Québec

Journal de Natashquan, Québec, première partie.

26 avril 2015

Le village du bout de la route

 

Nous avons traversé tant de paysages que je n’arriverai plus à tous les décrire, des forets, des côtes, un fjord, une foret brulée. On a fait les connes sur toutes sortes de musiques différentes, j’ai tressé mes cheveux, le chien a passé de longues minutes à me lécher consciencieusement le bras, on a dévoré des cochonneries pendant 2 jours (voir précédent article)

Après avoir avalé des kilomètres de route , nous sommes arrivées à bon port, à Natashquan, anciennement dernier village de la route 138.

A la nuit tombée, je découvre ce paysage de début ou de fin du monde.

Le soir, on rejoint toute une gang sur un rocher, un feu brulant à leur pieds. Le feu est nourrit par le vent, les étincelles illuminant le rocher. Je papote, puis m’allonge un peu en retrait pour admirer le ciel étoilé. Peu d’électricité ici. Gage de ciel merveilleux. Le soir on repart en travers champs avec Brigitte, à la lumière de son cellulaire, on se casse pas mal la gueule. On parle de nos failles, de nos attentes, de nos égos, avec le bruit des vagues comme seul fond sonore. La nuit sera bonne, dans ce chalet qui semble fait en carton. Tout mignon, mais le loup soufflerait dessus, il s’envolerait.  Droit devant : l’océan et ses baleines.

 

Natashquan, ou s’efforcer de ralentir

A 7h, je me suis réveillé presque en sursaut  de peur d’avoir raté le lever de soleil. Je m’avançais sur la plage d’un coup d’un seul. Je vais mettre les pieds dans l’eau et immortaliser au retardateur cette première matinée à Natashquan. L’ironie du sort voudra que ma carte mémoire me fasse défaut, aucune de ces photos n’existent.

J’ai comme l’angoisse de ne pas avoir le temps de tout faire, pas pouvoir tout photographier, retenir, capturer. Mais je pense que le rythme d’ici va calmer l’angoissée du temps, citadine que je suis. Le temps a tendance à s’étirer. Les gens se débrouillent, ne paniquent pas. Ici, tu ne peux pas aisément faire venir un plombier, un électricien, ou n’importe quel confort de la ville. Les gens se démerdent, retroussent leur manche et deviennent par la force des choses multi-tâches. 

 

Etre l’étrangère

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Cet après-midi, nous allons marcher le long de la plage et dans le village. On y rencontre un très vieux monsieur édenté. Il parle à Brigitte volontiers, il me montre en disant « ça », mais ce n’est que de la gêne, pas de l’agressivité. Je pense à ces onomatopées universelles qui réunissent tout le monde, et on rit tous les trois sans rien comprendre à ce que les uns et les autres disent. C’est sûrement pour ça qu’on rit.

On se ballade, les maisons sont éloignées, comme si un enfant avait jeté au sol plein de petites maisons en bois et les avait laissé là, dans le bon sens.

La facilité des rencontres

Le dernier stop et pas le moindre de l’après-midi c’est le bar de l’Echourie. J’y fais tout d’abord la connaissance de Robert, ancien professeur sur la réserve, et de Raymond, innu, agent de sécurité sur la réserve. On jase ensemble des innus, de la pêche et de la chasse. Ils partaient souvent loin en forêt, et se construisaient des abris dont le plancher était fait de branchages de sapin, le sapinage. Si bien que cela les guérissait s’ils étaient malade. Ils font toutes sortes de remèdes à base de sapin. Il faudra vraiment que je m’en procure.

Il est simple et inévitable de faire des rencontres dans un village aussi petit que Natashquan. L’été, l’Echourie est ouverte, mais au fil des semaines d’automne, les horaires d’ouverture se font plus courts. On sent l’hiver approcher au rythme des volets ouverts ou fermés de l’Echourie. Peu nombreux, les gens d’ici se retrouvent chaleureusement chez les uns et les autres que ce soit en hiver ou en été. Tricot, cercle de fermières, repas partagés, films ou concerts improvisés, tous les prétextes sont bons pour être ensemble et oublier un peu l’hiver trop long. 

J’ai été épatée d’autant de vivacité dans un endroit aussi éloigné que Natashquan. Le village jouit d’une vie culturelle dense, durant mon séjour j’ai pu voir 2 concerts, de groupes qui étaient venu de loin. Durant l’été, plusieurs festivals animent Natashquan, on y retrouve les amis de l’année précédente comme si c’était hier.

Chanter, danser, réapprendre

natashquan soir

Plus tard, on se retrouve à La Palmire, une mini-cabane en bois, accessible par un petit chemin illuminé, dans laquelle les amis de Brigitte passent la fin de soirée. On chante, on bois, enfin moi je ne chante pas je ne connais pas le répertoire québécois, mais je continue de m’imprégnier.

Je rentre seule à travers champs, je suis bouffée par les maringouins et heureuse. J’ai lavé mes cheveux, grande erreur, il vaut mieux puer ici, faire corps avec la nature sinon elle te refile 24 boutons à la minute avec ces créatures voraces que sont les maringouins.

Je m’endors un peu ivre, en pensant à de minuscules choses qui semblent immenses à cet instant précis. Je suis vraiment en voyage.

 

natashquan

2 commentaires

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    François@détour du monde
    24 juillet 2015 à 15 h 04 min

    Je comprend ce que tu veux dire en parlant d’être « L’étranger(e) ». C’est un sentiment étrange, mais à la fois réconfortant. Ce moment où on se rend compte qu’on n’est pas chez nous, que ce n’est pas les autres qui ont un accent mais nous. J’aime ce sentiment.
    François@détour du monde Articles récents…Top 5 des meilleures poutines de MontréalMy Profile

    • Commenter
      Aude
      28 juillet 2015 à 8 h 28 min

      Oui hein !
      J’adore ça, devoir me faire petite, être attentive aux autres encore plus. Parce que ma vision de la vie doit être remise en question à l’étranger. J’aime vraiment ça, on est sort grandis. 🙂
      Merci de ton message !!!

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